Nous avons abordé le sujet de l’exploitation des émotions des gens dans le passé dans notre commentaire LE CULTE DE LA PEUR .
L’éditorial de La Presse du Dr Bernard-Simon Leclerc, épidémiologiste, dénonce le même problème tout en y rajoutant des explications et mises au point sur les facteurs de risque et probabilités en épidémiologie.
L’industrie qui entoure la santé et la maladie exploite sans honte les émotions des gens et plus souvent qu’autrement engage des firmes spécialisées en marketing social pour y parvenir.
Le Dr Leclerc termine son éditorial avec cette mise en garde : ‘’ Défendons les causes qui nous tiennent à cœur, mais évitons de consommer pour le montrer !’’. Nous ne pouvons qu’être en parfait accord avec lui en ajoutant cependant que le plus gros danger de ‘’l’industrie de la peur’’ est qu’à force d’exagérer les risques de part et d’autre, les citoyens finissent par ne pas croire même ce qui risque d’être vrai.
Un marché florissant
La Presse
Le mardi 6 mai, on a pu voir l'édition du quotidien Métro de rose vêtue. On y apprenait qu'«une femme sur neuf risque d'avoir le cancer du sein au cours de sa vie». Cette information surprend, mais elle est appuyée par la Société canadienne du cancer et l'Institut national du cancer du Canada.
Ce qui me frappe davantage, cependant, ce sont les manoeuvres de l'industrie pour exploiter la terreur du cancer du sein, exacerber les passions, manipuler l'imagerie sociale et capitaliser à son avantage. Qu'il s'agisse d'acheter un bracelet ou un ruban rose ou de se laisser séduire par un produit «rose pour la cause» que nous offrent de nombreux magasins, le mot d'ordre semble être à la consommation et à la surenchère.
Tout y passe, de la carte de crédit rose des banques aux M&M roses. Les entreprises tirent profit de l'effroi que ressentent les survivantes au cours des mois et des années qui suivent leur traitement, ainsi que de l'empathie que leur témoignent proches, amis et membres de la famille.
Les besoins pécuniaires pour les soins et la recherche ne cessent de s'accroître.
À l'inverse, les sommes qui y sont consacrées par les gouvernements sont de plus en plus rationnées. Le soutien financier du public et des entreprises est devenu indispensable. Les multiples causes se font compétition. Pas étonnant alors que l'on n'hésite plus à recourir aux services de firmes de marketing et que l'on use de stratagèmes pour toucher la corde sensible des gens.
J'ai épilogué sur la publicité à l'égard de la lutte contre le cancer du sein pour souligner l'utilisation futée (entendre: jouer sur la peur et les émotions) des statistiques pour obtenir quelque chose, ici de l'argent. J'aurais pu tout aussi bien choisir un autre exemple. L'organe, éminemment investi d'une valeur affective forte, rend le dossier hasardeux. Néanmoins, je pense que la question nécessite un regard plus nuancé.
Grand public
Le calcul des probabilités n'étant pas à la portée des non-initiés, l'estimation fournie laisse croire au grand public - et aux principales intéressées elles-mêmes - qu'une femme quelconque court un pareil risque de se voir diagnostiquer un cancer du sein, indépendamment de son âge. Il n'en est rien. Toutefois, la publicité est percutante et, telle qu'énoncée, la donnée avancée est exacte même si l'intention est possiblement fallacieuse.
Ce ne sont donc pas les spécialistes de la communication et encore moins les responsables des organisations caritatives et des fondations de recherche qui ont de grands besoins d'argent qui vont s'embarrasser à l'idée que le contenu du message pourrait être mal interprété. Qu'en est-il? Le «un pour neuf» constitue une probabilité globale pour une femme d'être atteinte d'un cancer du sein au cours de son existence entière. Or, le fait d'avoir traversé le cours du temps sans l'avoir contracté abaisse d'autant ses probabilités malgré que le risque augmente avec l'âge.
Par exemple, bien que le risque qu'une femme soit atteinte d'un cancer du sein durant sa vie soit de 11%, le risque qu'une femme de 50 ans en souffre au cours des 10 années suivantes n'est que de 2,3%. De la même façon, le risque qu'une femme de 60 ans en soit atteinte avant l'âge de 70 ans n'est que de 3%.
La même source soutient qu'une femme sur 27 (3,7%) risque d'être emportée par le cancer du sein, ce qui est cependant moins que ses risques de succomber à un cancer du poumon (1 sur 19). À titre comparatif, un homme court tout autant de risques d'être atteint d'un cancer de la prostate au cours de sa vie que le risque qu'encourt une femme d'être atteinte du cancer du sein.
Défendons les causes qui nous tiennent à cœur, mais évitons de consommer pour le montrer!
L’éditorial de La Presse du Dr Bernard-Simon Leclerc, épidémiologiste, dénonce le même problème tout en y rajoutant des explications et mises au point sur les facteurs de risque et probabilités en épidémiologie.
L’industrie qui entoure la santé et la maladie exploite sans honte les émotions des gens et plus souvent qu’autrement engage des firmes spécialisées en marketing social pour y parvenir.
Le Dr Leclerc termine son éditorial avec cette mise en garde : ‘’ Défendons les causes qui nous tiennent à cœur, mais évitons de consommer pour le montrer !’’. Nous ne pouvons qu’être en parfait accord avec lui en ajoutant cependant que le plus gros danger de ‘’l’industrie de la peur’’ est qu’à force d’exagérer les risques de part et d’autre, les citoyens finissent par ne pas croire même ce qui risque d’être vrai.
Un marché florissant
La Presse
Le mardi 6 mai, on a pu voir l'édition du quotidien Métro de rose vêtue. On y apprenait qu'«une femme sur neuf risque d'avoir le cancer du sein au cours de sa vie». Cette information surprend, mais elle est appuyée par la Société canadienne du cancer et l'Institut national du cancer du Canada.
Ce qui me frappe davantage, cependant, ce sont les manoeuvres de l'industrie pour exploiter la terreur du cancer du sein, exacerber les passions, manipuler l'imagerie sociale et capitaliser à son avantage. Qu'il s'agisse d'acheter un bracelet ou un ruban rose ou de se laisser séduire par un produit «rose pour la cause» que nous offrent de nombreux magasins, le mot d'ordre semble être à la consommation et à la surenchère.
Tout y passe, de la carte de crédit rose des banques aux M&M roses. Les entreprises tirent profit de l'effroi que ressentent les survivantes au cours des mois et des années qui suivent leur traitement, ainsi que de l'empathie que leur témoignent proches, amis et membres de la famille.
Les besoins pécuniaires pour les soins et la recherche ne cessent de s'accroître.
À l'inverse, les sommes qui y sont consacrées par les gouvernements sont de plus en plus rationnées. Le soutien financier du public et des entreprises est devenu indispensable. Les multiples causes se font compétition. Pas étonnant alors que l'on n'hésite plus à recourir aux services de firmes de marketing et que l'on use de stratagèmes pour toucher la corde sensible des gens.
J'ai épilogué sur la publicité à l'égard de la lutte contre le cancer du sein pour souligner l'utilisation futée (entendre: jouer sur la peur et les émotions) des statistiques pour obtenir quelque chose, ici de l'argent. J'aurais pu tout aussi bien choisir un autre exemple. L'organe, éminemment investi d'une valeur affective forte, rend le dossier hasardeux. Néanmoins, je pense que la question nécessite un regard plus nuancé.
Grand public
Le calcul des probabilités n'étant pas à la portée des non-initiés, l'estimation fournie laisse croire au grand public - et aux principales intéressées elles-mêmes - qu'une femme quelconque court un pareil risque de se voir diagnostiquer un cancer du sein, indépendamment de son âge. Il n'en est rien. Toutefois, la publicité est percutante et, telle qu'énoncée, la donnée avancée est exacte même si l'intention est possiblement fallacieuse.
Ce ne sont donc pas les spécialistes de la communication et encore moins les responsables des organisations caritatives et des fondations de recherche qui ont de grands besoins d'argent qui vont s'embarrasser à l'idée que le contenu du message pourrait être mal interprété. Qu'en est-il? Le «un pour neuf» constitue une probabilité globale pour une femme d'être atteinte d'un cancer du sein au cours de son existence entière. Or, le fait d'avoir traversé le cours du temps sans l'avoir contracté abaisse d'autant ses probabilités malgré que le risque augmente avec l'âge.
Par exemple, bien que le risque qu'une femme soit atteinte d'un cancer du sein durant sa vie soit de 11%, le risque qu'une femme de 50 ans en souffre au cours des 10 années suivantes n'est que de 2,3%. De la même façon, le risque qu'une femme de 60 ans en soit atteinte avant l'âge de 70 ans n'est que de 3%.
La même source soutient qu'une femme sur 27 (3,7%) risque d'être emportée par le cancer du sein, ce qui est cependant moins que ses risques de succomber à un cancer du poumon (1 sur 19). À titre comparatif, un homme court tout autant de risques d'être atteint d'un cancer de la prostate au cours de sa vie que le risque qu'encourt une femme d'être atteinte du cancer du sein.
Défendons les causes qui nous tiennent à cœur, mais évitons de consommer pour le montrer!
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