Deux articles qui paraissent la même journée dans deux journaux différents mais qui nous viennent des deux parties du monde, par des auteurs différents, dans des langues différentes, est un signe très encourageant que de plus en plus de gens ont le goût de crier leur trop plein face à la propagande de l’industrie de la peur.
Dans l’article plus haut -- en anglais -- qui nous parvient du Royaume Uni, les auteurs décrivent comment que les diverses ‘’peurs du jour’’ des dernières années tel que le bogue de l’an 2000, la maladie de la vache folle, la nocivité de la fumée secondaire, la grippe aviaire, entre autres, se sont avérés, que de l’hystérie sans grand fondement simplement parce-que les médias sont friands des nouvelles ‘’vendeuses’’.
Ils procèdent en nous mettant en garde que toute cette industrie de la peur non seulement est un vrai gaspillage des fonds publics mais peut même causer un grand nombre de décès comme fut le cas avec le bannissement du DDT.
Qu'on se le dise : la peur est un mal nécessaire à la survie de l’espèce humaine, mais la peur exagérée et sans vrais fondements, peut devenir paralysante autant pour l’individu que pour la collectivité.
Le cauchemar de la peur
Julius Grey Le Journal de Montréal
Il y a quelques jours, les nouvelles à la radio anglaise de Radio-Canada contenaient trois sujets : le pédophile recherché en Thaïlande que l'on avait écroué à Vancouver, l'enquête sur la pédophilie à Cornwall en Ontario et la disparition d'un nouveau-né d'un hôpital ontarien.
Rien sur la politique étrangère, sur l'environnement, sur l'économie. Ce choix de nouvelles démontre de façon convaincante à quel point nous sommes devenus une société de la peur.
En plus de la pédophilie qui est devenue une véritable obsession, nous sommes préoccupés par le crime, le terrorisme, la sécurité, et parfois nous manifestons beaucoup d'hystérie face aux sujets temporairement à la mode tels que la fumée secondaire ou la pornographie.
Bien sûr, certaines de ces préoccupations sont sérieuses. La pédophilie, le crime et le terrorisme existent et leurs conséquences sont parfois très graves. Mais est-ce que la panique est justifiée?
La pédophilie a toujours existé. La littérature classique est remplie d'allusions aux jeunes garçons. Le grand romancier russe du XIXe siècle Dostoïevski a traité de la pédophilie de façon moderne. Y a-t-il des raisons de soupçonner une augmentation du nombre ou de la gravité des incidents? Rien de moins sûr. Il s'agit d'un phénomène stable ancré dans la psychopathie d'un petit nombre d'individus. Quant au crime et au terrorisme, contrairement à l'opinion populaire, ils sont à la baisse. Le pire acte terroriste au Canada, la destruction du Boeing d'Air India, est arrivé longtemps avant le 11 septembre. Si nous ne sommes pas complètement à l'abri d'un attentat, rien ne justifie toutefois notre peur excessive.
Mais pourquoi ne pas être vigilant? En soi, la prudence n'est pas critiquable. Cependant, les vagues de peur exercent une influence sur l'électorat, les législateurs et les juges, et finissent par diminuer les garanties essentielles de la liberté. Déjà, le droit au silence dans un poste de police s'effrite, les sentences s'allongent, les fouilles et les écoutes deviennent banales.
Vaincre la peur
L'autre effet néfaste des vagues de peur est que la société passe à côté d'autres problèmes aussi graves. Ainsi nous nous préoccupons de la présence d'un kirpan sikh à l'école,mais beaucoup moins du décrochage scolaire ou de la qualité de l'éducation. Savons-nous que du point de vue statistique les pesticides sont beaucoup plus dangereux que la fumée secondaire? Que notre patrimoine culturel est mis en péril infiniment plus par les coupures des subventions que par la présence de quelques individus de coutumes différentes? Que les accidents représentent un danger beaucoup plus grand que le crime? La peur collective menace non seulement notre liberté,mais aussi notre capacité de penser.
Comment vaincre la peur? Une défense farouche de l'indépendance individuelle demeure sûrement la prescription de base. Ensuite, il faut retourner vers le rationalisme. Pour constater qu'il existe un danger il ne suffit pas de ressentir une crainte ou d'en remarquer une chez nos voisins. Il faut rechercher les donnés statistiques, logiques et sociologiques.
Un de nos grands savants, Mario Bunge, de l'Université McGill, nous met en garde contre l'obscurantisme, la tendance à proclamer des «vérités» sans les avoir prouvées.
Nous devons donc nous réveiller de ce cauchemar de la peur et utiliser nos connaissances ainsi que notre intelligence pour dresser la liste de nos priorités, et surtout pour nous assurer que les mesures adoptées pour atteindre nos buts ne détruisent pas la liberté et ne nous privent pas de l'objectivité et de la sérénité.
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