Saturday, 30 January 2010

EST-CE QUE LA FUMÉE SECONDAIRE AFFECTE MÊME LE FUMEUR ACTIF ?


Après la théorie de la fumée tertiaire qui compromet la santé des enfants car elle s’incruste dans les vêtements et cheveux des parents malgré qu'ils fument dehors, ou encore la fumée qui ne suit pas sa trajectoire normale et descend au lieu de monter pour ainsi traverser les planchers et les prises de courant et faire des ravages dans les poumons du voisin de l’étage plus bas, voici maintenant que la fumée secondaire de sa propre cigarette affecte aussi le fumeur lui-même. Décidemment les anti-fumeurs ne sont pas en manque d’imagination pour faire monter le ton de leurs campagnes de quelques crans.

Cette plus récente perle qu’on a rajouté à la collection de la science créative de l'anti-tabac, nous parvient de l’Italie, où des chercheurs recommandent qu'à l'avenir, toute étude en rapport avec la santé des fumeurs doit prendre en compte la fumée environnementale que ses propres cigarettes émettent.

Pour arriver à cette recommandation, les chercheurs ont étudié les niveaux de BaP (benzo-a-pyrene) dans les kiosques à journaux où des fumeurs travaillent en raison de 12 heures par jour. Ils ont conclu que chaque fumeur travailleur de kiosque à journaux qui se soumet inévitablement à sa propre fumée environnementale, se trouve à respirer entre 14,6 et 34% plus de BaP dépendamment de la force de ses cigarettes. Vous pouvez lire l’étude (en anglais) ici : Is the smokers exposure to environmental tobacco smoke negligible?

Ayant détecté nous-mêmes quelques anomalies dans l’étude, qui au départ défie toute logique, nous avons demandé l’avis du Pr. Robert Molimard qui a eu la gentillesse de nous faire une analyse critique de l’étude que voici :

Maria Teresa Piccardo et al. Is the smokers exposure to environmental tobacco smoke negligible? Environmental Health 2010, 9:5

1) Conditions extrêmes: une cabine fermée de 4m², mal ventilée On aurait préféré que soit précisé son volume. En supposant une hauteur sous plafond de 2,50m au maximum, c'est 10m3, dont il faut déduire l'espace occupé par les meubles, les journaux et magazines et le vendeur lui-même. Ajouter à cela 12h de présence et d'enfumage

2) Ce n'est pas le volume d'air inspiré par le sujet par 24h, mais par 12h d'exposition dans le kiosque qu'il faut multiplier la concentration ambiante de BaP pour évaluer la dose absorbée De plus, l'activité physique est vraiment modérée dans une telle cabine. En prenant 500ml de volume courant, soit compte tenu de l'espace mort 350ml arrivant aux alvéoles, 16 respirations par minute pendant 12h, j'arrive à 4m3 , soit déjà 5 fois moins que leur extrapolation. C'est la critique MAJEURE.

3) La seule variable pour évaluer l'absorption de BaP par le courant principal est le nombre de cigarettes fumées (les autres facteurs sont des constantes dérivées des rendements théoriques en machine à fumer) Qu'il y ait une corrélation entre le nombre de cigarettes fumées dans un espace non ventilé et le BaP ambiant est un truisme. On peut même s'étonner qu'elle ne soit pas meilleure. Si l'on avait remplacé les fumeurs par des machines à fumer, on aurait du avoir un R² voisin de 1, tous les points étant alignés sur la droite de régression Un R² à 0,62 signifie qu'une des variables n'explique que 62% de la variance de l'autre. Cela veut dire qu'un fumeur n'est pas une machine..

4) Nous n'avons aucune idée de l'absorption du BaP. Pourquoi avoir choisi ce marqueur? Est-elle identique à partir d'une fumée chaude inhalée dès sa production, et de la fumée refroidie environnementale. Partir du rendement machine est une extrapolation très hasardeuse, on voit bien l'absence de corrélation entre ce rendement et la quantité de nicotine absorbée.

Le fait d'absorber la fumée qu'on produit, soit directement soit parce qu'on fume dans une pièce vaste ventilée ou exigüe confinée est partie intégrante du risque pris par un fumeur actif. Essayer de mesurer la part passive d'un tabagisme actif n'a pour moi aucun sens. Ce travail n'est qu'une étude théorique du risque potentiel du confinement. Il n'avait pas besoin de fumeur, pas besoin de kiosques pour faire vivant. On pouvait mettre des machines à fumer dans une pièce fermée, et multiplier les valeurs de BaP dans l'air ambiant, la ventilation évaluée d'un fumeur virtuel. Plus grande sera la valeur choisie, plus le rapport avec le rendement théorique sera élevé, et pourra permettre de dire que cette source environnementale n'est pas négligeable

Clairement c'est pour apporter une pierre à la nocivité du tabagisme passif. Jusqu'ici, le tabagisme passif, c'était la fumée des autres!


R. Molimard

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